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Recruter dans nos entreprises des militaires blessés : Un partenariat gagnant-gagnant, un engagement citoyen

Le thème du colloque du MEDEF « Recruter un militaire blessé » pouvait sembler éloigné des préoccupations des chefs d’entreprise. Ils étaient pourtant nombreux à se presser à cette conférence, mercredi 27 mars, au sein de l’institution patronale, autour de Geoffroy Roux de Bézieux, président du MEDEF, de Sophie Cluzel, secrétaire d’État chargée des Personnes handicapées, et du général d’armée François Lecointre, chef d’État-Major des armées.

Le président du MEDEF, qui a ouvert le colloque, a  insisté sur « l’accueil du handicap et de la différence en entreprise [qui] est un des marqueurs [qu’il veut] mettre en action lors de [son] mandat. » Il a également évoqué le guide édité par le MEDEF « Recruter dans vos équipes un militaire blessé : un engagement pour l’entreprise » qui informe les chefs d’entreprise et les DRH sur les dispositifs permettant de recruter un militaire blessé et de l’aider à se reconstruire. 
 
Sophie Cluzel a, de son côté, rappelé « qu’il est déterminant que les employeurs se mobilisent, et pas seulement pour remplir leur obligation d’emploi qui fixe le taux de salariés en situation de handicap à 6 %, mais parce que […] l’emploi des travailleurs handicapés, et notamment ici des blessés militaires, est possible, parfois difficile, certes, et complexe, mais jamais insurmontable lorsque toutes les parties prenantes travaillent ensemble. » 

Dominique Lévy, présidente du groupe de travail « Reconversion des militaires blessés » du MEDEF, s’est réjouie de cette initiative qui « met à l’honneur les militaires blessés, dont [elle considère] qu’ils peuvent être un véritable atout pour l’entreprise. » Elle a évoqué l’exposition photographique exposée dans le hall du MEDEF, organisée avec le concours de la Délégation à l’information et à la communication de la défense (DICoD). 

Présentée par Bernard de La Villardière, la première table-ronde de ce colloque a permis de s’interroger sur l’enjeu pour les militaires blessés de la reconversion professionnelle, en présence du médecin chef Laurent-MelchiorMartinez, du colonel Antoine Brûlé de la Cellule d’aide aux blessés de l’armée de Terre (CABAT), de Jean-Jacques Chovet d’Arquus, de Charles Fiessenger de Michelin, de Catherine Ferioli-Gavenc de la Société de banque et d’expansion (SBE), de Frédéric Meyer de la SFIL, de Philippe Gobinet de Partnaire. 

Ils ont évoqué ensemble les difficultés pour un militaire présentant un Stress post-traumatique (SPT) de reconnaître sa blessure et d’envisager sa reconversion. Les blessés physiques préfèrent rester dans l’institution quand ils le peuvent, tandis que les blessés psychiques la quittent, car ils sont inaptes pour les opérations extérieures. La CABAT, une structure institutionnelle qui réunit tous les acteurs du parcours des militaires blessés, les accompagne quand ils sont contraints de quitter l’institution militaire. Les autres armées disposent également de leur propre cellule : CABMF pour l’armée de l’Air, CABAM pour la Marine nationale et CABGN pour la Gendarmerie nationale. Le dispositif OMEGA, créé par la CABAT, permet de proposer des stages d’immersion en entreprise aux blessés. Les entreprises qui ont accueilli des militaires blessés se sont toutes félicitées de cette initiative, même si des échecs peuvent parfois survenir. Le dispositif OMEGA étant réversible, il permet en effet au militaire blessé de rebondir ailleurs si l’expérience n’était pas concluante. Les dirigeants d’entreprises ont tous reconnu les qualités personnelles des militaires en entreprise, qui ont « un sens du collectif, un sens de la mission » selon Jean-Jacques Chovet, et « une envie forte de réinsertion, une motivation » selon Catherine Ferioli-Gavenc. 

La seconde table-ronde sur le partenariat gagnant-gagnant de la reconversion des militaires blessés s’est déroulée avec la lieutenant-colonel Valérie Lefevre de Défense Mobilité, Stéphane Guyon de Renault logistique, Gérard Lefranc de Thalès, et Frédéric Conte, Virginie Le Sausse et Alexandre Molinéris de Vitale Assistance. 

La lieutenant-colonel Valérie Lefevre a présenté Défense Mobilité, l’agence de reconversion de la défense, et a évoqué la Période d’adaptation en entreprise (PAE), un dispositif permettant à une entreprise d’accueillir un militaire blessé en stage afin de tester ses capacités d’adaptation, en prévision d’un futur recrutement. Pour Stéphane Guyon, « il n’y a pas de risque, c’est gagnant-gagnant » pour l’entreprise et le militaire blessé. Après une première tentative de réinsertion ratée, les deux suivantes se sont soldées par un CDI chez Renault. Thalès est partenaire de Défense Mobilité et a accueilli deux blessés psychiques en 2016. Chez Vitale Assistance, une entreprise d’intervention après sinistres, « les valeurs recherchées chez les candidats sont le respect de la hiérarchie et la capacité d’adaptation ». Une courte vidéo a présenté le témoignage d’Alexandre Molinéris, militaire blessé psychiquement, qui a été embauché chez Vitale Assistance. L’expérience a tellement convaincu Frédéric Conte qu’il a recruté 57 militaires, blessés ou non, au sein de son entreprise. 

Le témoignage de Stéphane Imbert, militaire blessé devenu chef d’entreprise, était édifiant. Ancien pilote dans l’armée de Terre, il a perdu le contrôle de son appareil en 2011, mais en a miraculeusement réchappé. Suite à ce traumatisme psychique, il a accumulé les problèmes de santé pendant quatre ans, de la perte de la vue à la paralysie faciale, avant d’être déclaré inapte. À l’aide de la CABAT, il a pu rebondir. Il a créé une entreprise de pilotage de drones, Skybirdsview, en 2015, puis Hinov en 2018, et a naturellement recruté des militaires blessés dans ses entreprises. De son point de vue, le militaire blessé a besoin de recréer un contexte social au sein de l’entreprise qui l’accueille. 

Le général d’armée François Lecointre, chef d’État-Major des armées, a salué la richesse des débats de cette conférence. Il a voulu rappeler que le militaire « est quelqu’un qui accepte une mission extra-ordinaire. Quelqu’un qui accepte de donner la mort sur ordre, au risque de sa propre vie ». Selon lui, ce métier au service de la collectivité est forcément une vocation, qui entraîne quatre exigences : l’exigence du collectif, de la fraternité, de la discipline et surtout l’exigence de sens pour comprendre et accepter sa mission. « Le soldat qui se sépare [de l’armée] est en quête de sens et il va chercher dans l’entreprise un même sens. »

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Recruter dans vos équipes un militaire blessé : un engagement pour l’entreprise

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