Avec la participation de Nathalie Becquart, Bertrand Camus, Marlène Schiappa, Mohamed Sifaoui et animé par Jérôme Chapuis.
Verbatim
- Marlène Schiappa : "Les thèmes de liberté et de laïcité se conjugent. La laïcité, c'est ce qui conditionne la liberté de conscience de chacun. Il y a en France une seule communauté : la communauté nationale."
- Marlène Schiappa : "74 % des Français considèrent que la laïcité n'est pas assez défendue. Mais la laïcité, ce n'est pas l'athéisme d'Etat."
- Bertrand Camus : "Nous sommes présents dans une soixantaine de pays. Nous avons travaillé sur des valeurs et des règles qui s'appliquent à tous et avons une tolérance zéro sur les questions de discrimination et de prosélytisme. En France, le principe de la laïcité s'applique totalement."
- Nathalie Becquart : "En France, la laïcité est une chance. Le pape François a lui-même dit 'je préfère un Etat laïc à un Etat confessionnel'. Mais il faut prendre garde au laïcisme."
- Mohamed Sifaoui : "Les religions se sont accommodées de la pratique laïque, c'est l'Islam politique qui a un problème avec le laïc."
- Mohamed Sifaoui : "Un musulman dans le monde de l'entreprise, on ne se rend pas compte qu'il pratique sa religion. Dès qu'on s'en rend compte, c'est qu'il y a de l'activisme."
- Marlène Schiappa : "Dans une entreprise, ce qui doit primer, c'est la culture d'entreprise."
- Marlène Schiappa : "Là où nous avons un problème avec l'activisme, ce n'est pas dans les grandes entreprises, mais dans les petites et dans les associations."
- Bertrand Camus : "Il y a un besoin d'explication autour du fait religieux en entreprise, pour savoir ce qui est autorisé et ce qui ne l'est pas."
- Nathalie Becquart : "La laïcité permet la liberté d'expression autour de ses croyances religieuses ou politiques."
- Nathalie Becquart : "Il y a aujourd'hui une très forte quête de sens et beaucoup de jeunes veulent travailler de manière alignée avec leurs valeurs."
- Marlène Schiappa : "Il y a aujourd'hui la menace de l'islamisme radical, qui n'existait pas en 1905."
- Mohamed Sifaoui : "La question du terrorisme islamiste ne doit pas être déconnectée de la matrice de l'Islam politique. Il y a dans notre pays une volonté de l'Islam politique de créer une contre-société. Nous devons être conscients des défis que cela pose. La Laïcité n'est pas un frein à la croyance, c'est au contraire un cadre qui permet la croyance."
- Mohamed Sifaoui : "L'enjeu de la laïcité est de comprendre que c'est une protection pour toutes les religions. Mais il faut s'interroger sur la capacité de séduire de l'Islam politique."
- Nathalie Becquart : "Cette question de l'Islam politique n'est pas que française, c'est une question géopolitique."
- Nathalie Becquart : "Il faut croiser les approches pour trouver des convergences et des synergies, car il n'y a pas de réponse simple."
- Bertrand Camus : "Il y a beaucoup de pays où le politique et le religieux restent ensemble."
- Marlène Schiappa : "Qu'il s'agisse de vaccination, de sécurité routière ou de laïcité, on est aujourd'hui sur une sorte d'inversion totale du sens même de liberté."
- Nathalie Becquart : "Comment faire société, comment faire du Nous avec des Je dans le contexte actuel d'hyper individualisation ? C'est un défi dans lequel nous sommes tous engagés."
- Marlène Schiappa : "Nous avons voulu interdire le principe du certificat de virginité, mais certains revendiquent cela comme un droit."
- Mohamed Sifaoui : "La liberté, sa limite, c'est le trouble à l'ordre public. La liberté collective prime sur la liberté individuelle, il ne faut jamais l'oublier. Dans le monde de l'entreprise, c'est la même philosophie qui doit s'imposer. Et l'entreprise a un rôle à jouer dans notre société. Elle doit prendre sa part dans la préservation de la paix sociale. les chefs d'entreprise doivent comprendre que l'Islam politique est dans une phase d'action et ne saurait se satisfaire d'une seule revendication, d'où l'importance de mettre les digues nécessaires pour sanctuariser l'entreprise."
- Bertrand Camus : "Il ne faut pas sous-estimer le rôle intégrateur de l'entreprise."
- Marlène Schiappa : "On n'a rien trouvé de mieux que le travail pour s'émanciper, notamment pour les femmes."
Pour aller plus loin
La laïcité : nouvelle religion française
Objet de débats sans fin, la laïcité sera le thème de la deuxième table ronde de cette demi-journée. Port du voile, signes religieux en entreprise, loi contre les séparatismes, le respect de la laïcité divise bien souvent les Français. Instituée par la loi de 1905, la séparation des cultes et de l’Etat est, depuis cette date, consubstantielle de notre République. Pour Ferdinand Buisson, Jean Jaurès et Georges Clemenceau, la loi de 1905 devait être une « loi de liberté », liberté de culte notamment. Dans le cadre de la loi de 1905, toutes les religions ont voix au chapitre, en particulier sur les thèmes de société, mais elles sont priées de s'abstenir d’intervenir sur le terrain strictement politique.
Mais, depuis 1989, date de la première controverse sur le port du voile à l’école, et plus encore depuis la vague d’attentats qui a secoué la France, jusqu’au récent assassinat de Samuel Paty, intellectuels et hommes politiques appellent à « une nouvelle laïcité » autour d’enjeux relatifs à la visibilité du religieux (burkini, voile intégral) ou à des problèmes d’ordre éthique ou bioéthique (mariage par tous, PMA etc.) Cela pousse certains à se demander si la laïcité est vraiment laïque ou si elle cherche en fait, sans le dire, à intégrer l’islam comme elle a intégré le christianisme et le judaïsme.
En cherchant à mettre en œuvre une « laïcité intégrale », les laïcistes contemporains sont-ils toujours fidèles à l’esprit de 1905, ne s’éloignent-ils pas de la définition d’Ernest Renan : « L’Etat neutre entre les religions » ? Et qu’en est-il du projet de loi contre le séparatisme et sa batterie de mesures sur la neutralité du service public, que le parlement a adopté définitivement le 23 juillet dernier et que d’aucuns jugent liberticide ? Cette nouvelle loi, qui entend « conforter les principes républicains », vise à affirmer la neutralité des services publics, à lutter contre le terrorisme, à combattre la haine, à renforcer la police des cultes, à mieux contrôler les associations et à rendre obligatoire la scolarisation des enfants dans un établissement scolaire public ou privé (plus d’instruction à domicile donc).
Comme l’a expliqué Emmanuel Macron dans un entretien à la revue Le grand Continent, il s’agit de défendre « les Lumières » et « les valeurs du Vieux Continent ». Dans ce même entretien, le chef de l’Etat s’étonnait également d’un « certain isolement de la France » sur ce terrain. Il est vrai que notre laïcité est souvent mal perçue à l’étranger, où elle est jugée trop intransigeante, voire inefficace. On peut se demander pourquoi et comment s’en sortent les autres pays pour concilier liberté religieuse et cohésion nationale ?