Vie du MEDEF

Revivez #LaREF22 - "S’armer - Euro défense, autodéfense ?"

Avec Eric Autellet, Sylvie Bermann, Michal Fleischmann, Michel Goya, Camille Grand, Bruno Tertrais et animé par Aude Leroy.

Verbatim

Bruno Tertrais : "Le retour de la guerre est un thème qui revient tous les dix ans, elle n'a jamais disparu, mais ce qui change, c'est le retour de la grande guerre entre Etats sur le sol européen. Ce choc nous a réveillé."

Eric Autellet : "Nous avons soutenu les efforts des Ukrainiens avec des cessions de matériels qui n'ont pas toutes été rendues publiques."

"La question est de savoir si collectivement les pays occidentaux font le nécessaire."

Sylvie Bermann : "L'Otan a déjà mis le pied dans la porte en évoquant la menace systémique que pose la Chine."

"La guerre qui a été déclenchée en Ukraine est une guerre du passé, initiée par la frustration de Vladimir Poutine, qui ne supporte pas que la Russie soit amputée de l'Ukraine."

Camille Grand : "La Russie a montré une capacité d'utiliser les moyens de la force dans un conflit en Europe."

Michel Goya : "La vraie rupture, c'est 2011, quand nous avons basculé dans une nouvelle période stratégique."

"On trouve maintenant de nouveaux acteurs qui reviennent, la Chine, la Russie, l'Iran. On doit faire face à des situations de confrontations, ce qui est la guerre sans combats... mais il faut être militairement forts pour pouvoir user de dissuasion."

Camille Grand : "Nous sommes dans une proportion de guerre que nous n'avons pas eu en Europe depuis 1945, ce qui veut dire une forme d'économie de guerre que nous n'avions pas vue dans un passé récent et des pertes extrêmes."

Michel Fleischmann : "La priorité de la présidence tchèque du conseil de l'Union européenne, c'est l'Ukraine. C'est une guerre globale que mène la Russie contre le monde entier. Nous sommes dans la réalité quotidienne d'une attaque contre nos valeurs."

Bruno Tertrais : "Si les Etats-Unis n'étaient pas là, nous serions, nous Européens, beaucoup plus vulnérables, c'est un fait."

Sylvie Bermann : "Grâce à Poutine, les Américains ont renforcé leur présence en Europe. On verra si dans deux ans Trump revient, mais en tout cas l'Europe a intérêt à développer ses propres technologies de défense."

Eric Autellet : "On sait faire des choses en Europe et je suis assez optimiste."

Camille Grand : "La réaction collective des alliés au sein de l'Otan montre un prolongement des décisions prises après la prise de la Crimée en 2014. L'Otan est revenue progressivement à ses fondamentaux pour se concentrer sur sa mission première qui est la défense du territoire européen. Et on voit l'attractivité de l'Otan avec la demande d'adhésion de la Suède et de la Finlande;"

Sylvie Bermann : "L'article 5 de l'Otan ne prévoit aucune obligation d'intervenir, alors que dans le traité de Lisbonne il y a une véritable clause de solidarité collective."

Bruno Tertrais : "Il y a plein de raisons d'augmenter les budgets de défense européens, notamment celle de pouvoir se défendre en cas de retrait des Etats-Unis."

Camille Grand : "Pour l'Otan, 20 % des 2 % consacrés au budget militaire doivent être alloués à l'investissement dans des capacités nouvelles."

Michal Fleischmann : "La question aujourd'hui est de savoir combien un petit pays comme la République Tchèque peut allouer à la défense de l'Ukraine."

"L'idée d'une armée européenne va prendre du temps, mais le sujet est sur la table et nous allons en discuter."

Michel Goya : "On a 200 000 hommes dans nos armées ; dans les situations majeures, on demande de mobiliser 15 000 hommes, cherchez l'erreur ! Tout cela parce qu'on ne peut pas équiper tout le monde."

Camille Grand : "Nous devons garder notre effort de modernisation et être à la pointe de la technologie."

Bruno Tertrais : "Il ne faut jamais désespérer de l'Europe."

Pour aller plus loin

La guerre revient en Europe, alors qu'on pensait qu’elle s’en était éloignée à jamais. Le conflit russo-ukrainien a remis la question militaire au cœur de nos préoccupations. Il a aussi constitué un électrochoc pour les Européens dont certains, comme les Allemands et les Néerlandais, ont pris conscience des faiblesses de leurs armées. L'Allemagne a d'ailleurs décidé de dépenser 100 milliards d’euros de plus pour la défense (le double de son budget annuel habituel) et va porter son budget à 2 % de son PIB dès 2024. 

Cette impréparation européenne à des conflits de haute intensité ne date pas du 24 février. L’Otan, et les Américains en tête, réclament depuis 15 ans une hausse des budgets militaires européens pour un meilleur niveau d’équipement et de préparation des forces armées d’Europe. Notre vieux continent et la France savent-ils encore se défendre ? 

A en croire les analystes et les généraux, c'est loin d'être le cas, beaucoup pensent même, qu'en l'état actuel des choses, nos forces armées ne pourraient mener une contre-offensive efficace que sur une quinzaine de jours. A l'heure où dans le monde les dépenses militaires ont doublé en 20 ans à quelque 2 000 milliards de dollars par an, un rééquilibrage s'impose donc. Mais comment faire ? Notamment face au géant américain afin de retrouver un « level playing field » ? 

Depuis la Stratégie globale de l’Union européenne de juin 2016, les pays européens n’ont cessé de progresser vers l’affirmation d’une ambition d’autonomie stratégique commune. Avec la guerre en Ukraine et les intentions belliqueuses et expansionnistes de la Russie n'est-il pas grand temps de passer des vœux pieux aux actes et de trouver des correctifs aux failles nombreuses qui existent en matière d'armement dans les relations transatlantiques ? Oui, mais comment ? 

Si on ne veut pas donner raison à Federico Fellini pour qui « la décadence de l'Europe a commencé dès la chute de l'empire romain », il est clair que les économies européennes ne pourront prétendre jouer un rôle mondial au cours du XXIe siècle si elles sont incapables de construire ensemble leur sécurité et leur défense. D'autant qu'une Europe maîtresse de ses capacités militaires n’est pas une menace pour l’Alliance atlantique, mais au contraire un atout pour un meilleur partage des tâches. 

Il ne s'agit bien sûr pas de déposséder les États membres de leur responsabilité en matière de défense, mais de permettre aux Européens de nourrir leur volonté de « vivre ensemble ». 

Aujourd’hui, face à des interlocuteurs puissants, les Européens n'ont pas d'autre choix que de s’unir et s’imposer comme partenaire naturel des négociations sur la sécurité du continent. Le temps est venu pour l’Union de s’exprimer sur son avenir, non seulement pour contribuer à répondre aux crises et aux menaces, mais aussi pour s’affirmer comme un acteur majeur dans la géopolitique actuelle. 

Mais reste à savoir quelle Europe les 27 souhaitent vraiment bâtir pour qu'elle puisse enfin devenir cet acteur majeur. Quels moyens partagés devront être mis en œuvre ? Notamment pour cesser de s'équiper hors de l'Union ? 

Aujourd'hui, la défense européenne se compose de 27 petites armées et l'Europe achète 60 % de son armement à l'étranger. Une absence de coopération qui nous coûte très cher.

Une vision commune à 27 n'est pas cependant chose aisée et implique un dialogue permanent et respectueux. Un premier pas a été franchi le 21 mars dernier avec l'accord sur « la Boussole stratégique », visant à renforcer la sécurité et la politique de défense européennes à l'horizon 2030.

Les Européens sauront-ils aller plus loin et concrétiser cette volonté ?