Avec Pere Aragones i Garcia, Bernard Cazeneuve, Sonia Backès, Marie-Luce Penchard, Gilles Simeoni et animé par Saveria Rojek.
Verbatim
Pere Aragones y Garcia- : "En octobre 2017, il y a eu un référendum sur l'indépendance, qui s'est traduit par l'exil du président de la région. Nous voulons établir un nouveau référendum en collaboration avec l'Etat espagnol pour que celui-ci accepte le résultat."
"Nous voulons un référendum, car la société catalane est différente de la société espagnole, le peuple catalan veut pouvoir s'exprimer de façon indépendante."
Gilles Simeoni : "Il y a des différences très importantes entre la Corse et la Catalogne, notamment la réalité économique et sociale, et la Catalogne bénéficie déjà d'une économie très large, la Corse en est loin."
"Quelle place en Europe pour des peuples sans Etat ? Dès lors qu'un peuple existe, comment le reconnaître sans que cela ne débouche automatiquement sur une indépendance ?"
"La forme la plus souhaitable pour la Corse serait sans doute un statut d'autonomie."
Bernard Cazeneuve : "Pour moi, il n'y a qu'un peuple, c'est le peuple français. Nous sommes dans un pays où l'Etat a préexisté à la Nation."
"Parmi ceux qui ont contribué à la constitution de la Nation française, il y a un grand Corse, Napoléon."
"S'il y a dialogue, il ne peut y avoir violence."
Marie-Luce Penchard : "Nous devons remettre à plat la façon de penser notre territoire. Il faut revoir le partage de la responsabilité au plan local et au plan national."
"L'unité de la République, ce n'est pas l'uniformité."
Gilles Simeoni : "Je n'oppose pas les valeurs de la République et le peuple Corse."
"Le principe d'un peuple français unique est une fiction politique."
"Il doit y avoir une logique d'unité et de différenciation."
"Les régions françaises sont aujourd'hui des nains institutionnels par rapport à leurs homologues européennes."
Pere Aragones y Garcia : "Ce n'est pas la Catalogne qui peut dire au peuple corse comment s'organiser."
"La Catalogne a un statut d'autonomie approuvé dès 2006."
"La Catalogne est profondément pro européenne et souhaite la constitution d'Etats-Unis d'Europe."
"Nous voulons une société plurale, mûre, qui puisse s'auto-gouverner."
"Noos voulons pouvoir exercer l'autodétermination de la Catalogne."
Bernard Cazeneuve : "On peut bien sûr imaginer d'accepter les singularités nationales, les langues régionales, les cultures régionales."
"Ce n'est pas parce qu'on fait des réformes majeures, qu'on appelle autonomie, qu'on réglera tous les problèmes, les choses sont beaucoup plus compliquées que cela."
Gilles Simeoni : "Il y a quand même un problème Corse qui se pose avec acuité depuis un demi-siècle, j'espère qu'on pourra le résoudre par le dialogue."
Marie-Luce Penchard : "Nous vivons aussi des crises majeures en Guadeloupe, nous devons avoir le courage de se mettre autour d'une table pour régler un certain nombres de problèmes qui préoccupent nos compatriotes."
"Demain, le développement de notre territoire passera par l'entrepreneuriat."
"Il faut parvenir à revoir la répartition du pouvoir entre l'Etat central et ceux qui sont plus propres des citoyens."
"Il ne fait surtout pas dire "on pose la question de l'autonomie d'abord et on verra après", ce serait une erreur."
Bernard Cazeneuve : "Il faut développer une stratégie territoriale suffisamment consensuelle pour être portée par les élus locaux, mais s'imaginer que l'autonomie est la solution, serait illusoire."
Père Aragones i Garcia : "Nous souhaitons que la Catalogne soit un Etat de plein droit au sein de l'Union européenne comme tous les autres Etats membres."
Gilles Simeoni : "Je suis favorable, comme beaucoup de Corses, à un statut d'autonomie qui nous permettra d'avoir un dialogue direct, y compris avec l'Union européenne "
Bernard Cazeneuve : "L'Union européenne ne peut intervenir dans l'organisation intra étatique. Et si demain une région obtenait son indépendance, il faudrait un monitoring pour lui permettre de réadhérer à l'Union européenne."
Marie-Luce Penchard : "L'Europe reconnaît déjà un peu les régions ultra périphériques et les autorise à avoir un dialogue en direct avec Bruxelles."
Bernard Cazeneuve : "Il faut garder à l'esprit que toute la politique européenne qui relève des fonds de cohésion est une politique destinée à organiser la solidarité entre des régions dont le niveau de richesses est différent."
Pour aller plus loin
Quand l’autonomie se dissout dans la souveraineté ou vice-versa. De l’Ecosse à la Catalogne, de l’Irlande à la Corse, les désirs régionaux d’autonomie, voire d'indépendance, s’expriment avec de plus en plus de force partout en Europe. Ils illustrent la montée des questions identitaires et la crise des Etats nations.
La Catalogne a initié le processus, et on se souvient des manifestations indépendantistes massives qui ont permis à Carles Puigdemont d’entamer une épreuve de force avec Madrid. En Ecosse, les militants indépendantistes mobilisés contre le Brexit attendent un nouveau référendum sur l'indépendance. En Italie, la Lombardie et la Vénétie ont elles aussi manifesté des velléités d'indépendance et revendiquent plus d'autonomie. Même la Corse ou les Flandres, ou encore la Nouvelle Calédonie, ont des autonomistes très actifs et veulent s'émanciper du pouvoir central de Paris ou Bruxelles. Plus que jamais, l’autonomie des régions occupe la scène politique européenne et les partis régionalistes font le plein lors d'élections locales avec toujours la volonté de reprendre certains pouvoirs législatifs ou exécutifs à l’État central. Plus à l'est, dans les Balkans ou aux frontières de la Russie, des revendications autonomistes, indépendantistes ou séparatistes existent également.
En analysant de plus près toutes ces aspirations indépendantistes, on se rend vite compte de leur diversité. Certes, on trouve souvent des similitudes, au premier rang desquelles la langue et un passé historique, mais souvent les revendications diffèrent. Certains aspirent simplement à plus d'autonomie, quand d'autres revendiquent une indépendance pure et dure et veulent cesser d'être de simples régions pour devenir des Etats.
Face aux régionalismes, aux désirs d’autonomie et d’autodétermination et aux tiraillements identitaires, les Etats nations semblent souvent bien démunis. Mais que peut faire l'Europe, dont le slogan est, rappelons-le, « Unis dans la diversité » ? Comment concilier appartenance à l'UE et désir d'indépendance ? L'Union doit-elle avoir peur de ces volontés d'autonomie ? Après la crise catalane, Jean-Claude Juncker, alors président de la Commission européenne, avait déclaré « ne pas vouloir d'une Europe à 95 » et redoutait que la Catalogne donne des idées nationalistes à d'autres séparatistes. Pourtant, pour une majorité d'indépendantistes, « l'Union européenne constitue toujours un horizon ».
Aujourd’hui, l’Europe des 95 Etats prophétisée par Juncker est très peu probable. Faut-il pour autant ignorer les revendications qui fusent de part et d’autre des régions européennes ? Les autonomies représentent-elles un progrès ou une régression ? Et si seule l'Europe pouvait fédérer toutes ces régions ? Réponse le 30 août prochain lors du débat « Autonome ou indépendant - Mais Européens avant tout ! »